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Du souk de Missebo aux plateaux de bodybuilding : l'incroyable ascension de Bienvenu Vodounou


De ses humbles débuts dans les souks de Cotonou à la conquête des plus grands plateaux de bodybuilding, l'ascension de Bienvenu Vodounou a de quoi laisser rêveur. Parti de rien, ce fils de la rue devenu l'instigateur du renouveau musculaire au Bénin est l'incarnation même du self-made-man. Derrière son impressionnante carrure de colosse se cache un parcours parsemé d'embûches, mais sous-tendu par une volonté ardente digne des plus grandes légendes du culturisme. À 48 ans, celui que l'on surnomme « Bibi » est bien plus qu'un champion : c'est un modèle pour toute une nation, un mythe vivant qui insuffle l'espoir aux nouvelles générations. Découvrez l'incroyable odyssée de cet ancien vendeur de chaussures devenu le phare du bodybuilding béninois.




C'est une destinée rocambolesque, digne des plus grands films à succès, que celle de Bienvenu Vodounou, plus connu sous le sobriquet de "Bibi". Dans les quartiers défavorisés de Cotonou, où les enfants apprennent tôt la valeur du travail acharné, un jeune Bienvenu Vodounou n'avait qu'un objectif en tête : forger son propre destin à la sueur de son front. Peu savait-il que cette volonté de fer allait un jour le mener sur les plus grands plateaux de bodybuilding du monde. En effet, né en 1975 à Porto-Novo dans une famille modeste, le jeune Bibi aurait pu se contenter de suivre les traces de sa mère, revendeuse de tomates au marché de Gbèkô. Mais très tôt, une soif d'aventures et de grandeur s'empara de lui. Abandonnant les études dès la classe de CM1, il rejoint son grand frère à Cotonou pour vendre des chaussures au marché de Missèbo. Une échappatoire temporaire qui s'éternisa pendant cinq longues années ! Décidément, les bancs de l'école ne semblaient pas taillés pour cette âme de battant qui, loin de se résigner, préféra tenter sa chance dans une équipe de football sur les pelouses du stade René Pleven d’Akpakpa. Hélas, si ses talents de jeune Eto'o étaient prometteurs, les revenus bien trop maigres le forcèrent à renoncer.  Mais, c'est à ce moment qu'un ami perspicace, remarquant les formes déjà sculptées de son camarade, lui insuffla l'idée d'une nouvelle vocation : la musculation !  C'est ainsi que Bibi se retrouva dans un dojo de Maro-militaire, où il commença à sculpter son corps et à participer à des compétitions de bras de fer, de démonstration des muscles et d'haltérophilie aux Hall des Arts de Cotonou. Comme Arnold Schwarzenegger, Bibi devint irrésistiblement attiré par la musculation et son itinéraire tient du roman d'apprentissage.

L'appel de l'Allemagne : une odyssée musclée

Voulant s'arracher à sa condition, le jeune homme prit l'avion pour l'Allemagne un 22 janvier 2001, dans l'espoir d'une vie meilleure. Mais les premières années furent un véritable chemin de croix ! Après des débuts dans un camp de réfugiés, ce fut la rencontre décisive : celle de Moustapha Mohammed, une autorité allemande. En effet, lors d'une banale séance de coiffure, Bibi ôta son t-shirt, dévoilant par mégarde sa musculature naissante. Moustapha Mohammed, présent sur les lieux, fut immédiatement séduit par cette carrure prometteuse. Il l'invita à s'entraîner dans sa salle de gym privée. Un tremplin pour le phénix naissant ! Dès lors, entre les murs de cette salle de gym dédiée exclusivement aux autorités allemandes, le jeune exilé béninois se transforma en une véritable force de la nature. Comme si des années de souffrance physique et mentale s'étaient cristallisées en un corps d'acier, ferme et élégant.

Un mois plus tard, transféré dans un appartement social à Gardelegen avec d'autres Africains, Bibi s'était rapidement lié d'amitié avec les Allemands de la région grâce à sa passion dévorante pour la musculation. Il y trouva son eldorado musculaire. Et rien, pas même les conseils de ses amis ou le manque criant de soutien financier, ne pouvait désormais arrêter cette machine à concourir. Bibi devenait une véritable graine de champion, s'entraînant d'arrache-pied dans l'ombre de poids lourds comme Ronnie Coleman et Jay Cutler.  Malgré les doutes de ses amis qui voyaient peu d'avenir dans la musculation au Bénin, Bibi s'obstina, préférant continuer à soulever des poids plutôt que de laver des plats dans des restaurants ou de dresser des lits. Avec sa pension mensuelle de 120 euros, il s’inscrivit dans une salle de gym qu’il payait à 20 euros au lieu de 40 euros en vertu de son amitié avec le tenancier. « Sous la neige, la pluie ou le soleil de plomb, je filais inlassablement de mon camp de réfugié vers la salle de gym », se remémore Bibi les yeux rieurs. Un trajet épique de 10 km par jour, à vélo, que le jeune athlète gravissait.  Dans cette aventure, comme le destin aime les audacieux, il fit la connaissance d’Enrico Schütze qui l’initia au bodybuilding et devint son coach. L'étincelle du bodybuilding était donc allumée, flamboyante et inextinguible.

De la chrysalide à l'envol

Pris sous l’aile protectrice d’Enrico Schütze, Bienvenu Vodounou put continuer sa métamorphose. En mai 2004, la renaissance avait enfin payé. Au Championnat d'Allemagne de l'Est, Bibi décrochait une surprenante 5ème place, transcendée par l'admiration locale. Une performance qui ne tarda pas à lui ouvrir les portes du parrainage, grâce au soutien de l'entreprise Bosse et de sa dirigeante Marina Bosse. Les projecteurs s'étaient officiellement braqués sur le phénomène musculaire venu du Bénin. Dès lors, il devint rapidement le chouchou des Allemands de Gardelegen pour avoir représenté leur ville avec brio. Mais, la machine Vodounou ne faisait que s'échauffer.  

Au sommet de sa forme, l'Apollon béninois décrochait des places d'honneur dans les principaux championnats allemands.  Avide de gloire, le désormais célèbre Bibi enchaînait les compétitions majeures comme un Greg Kovacs en son prime : Coupe de la Mer du Nord, Festival d'été, Championnat d'Allemagne, le Championnat d'Allemagne de l'Est, Mr. Universe, Concours occidental à l'IFBB …  Une véritable razzia sur les podiums qui conforta, année après année, son statut de figure incontournable du milieu ! Des moments d'intense émotion pour ce jeune athlète, longtemps raillé par ses proches mais qui n'avait eu de cesse de croire en son rêve. Cette consécration valait tout l'or du monde pour ce self-made-man issu de la précarité. Bibi profita de son auréole naissante pour fonder une famille en Allemagne. La revanche du cadet de Porto-Novo prenait un nouveau virage, plus personnel mais tout aussi épique.

Du rêve allemand au défi béninois

Cependant, un champion aussi déterminé que Bibi ne pouvait se satisfaire d'un succès individuel, aussi retentissant fût-il. A l'occasion d'un séjour au Bénin, son pays natal, le désormais célèbre bodybuilder assista à une compétition locale en 2005. Ce qu'il y vit, ce n'était que l'ombre d'un véritable événement sportif digne de ce nom. En fait, il assista atterré au niveau famélique des compétitions de démonstration musculaire. Loin des somptueuses exhibitions allemandes, ses compatriotes béninois semblaient encore bien loin d'intégrer les standards de ce sport, oh combien exigeant. Il était hors de question pour lui que le berceau de ses origines, cette "Mère Patrie" pour laquelle il avait tant d'estime, continue à se traîner ainsi dans la médiocrité.  

À cet instant précis, la flamme d'une nouvelle mission s'était allumée dans le regard de feu de Bienvenu Vodounou. Lui, l'ancien vendeur de chaussures devenu la fierté de sa nation, se devait d'œuvrer pour le développement du bodybuilding béninois et de faire transcender les disciplines physiques au Bénin comme Nasser El Sonbaty l'avait fait en Égypte quelques années plus tôt. Motivé comme jamais et avec l'appui indéfectible de sa compagne allemande, Bibi organisa une compétition de bodybuilding et de fitness en 2006 au Centre Culturel Français de Cotonou (devenu l'Institut Français du Bénin), puis une autre en 2009 aux Hall des Arts.  Il restait à poser les jalons pérennes d'une véritable structuration fédérale.  C’était une tâche ardue, semée d'embûches administratives, pour ce lutteur qui dut longtemps batailler au cours des dix années de Boni Yayi. Un véritable cauchemar qui le découragea et l’amena à s'installer définitivement en Allemagne en 2013… Mais voilà, comme un phœnix renaissant de ses cendres, l'arrivée du régime de la Rupture en 2016 réanima l'espoir de ce bâtisseur. Stoppant net sa carrière internationale pour se consacrer à son pays, il lança de nouvelles compétitions en 2017 et 2018, cette fois dans la dynamique d'une reconnaissance officielle.

Du rêve étranglé au rêve réalisé

Qu'on se le dise, quand un Vodounou se fixe un objectif, il l'atteint ! Porté par la diligence du ministre Oswald Homeky, la Fédération Béninoise de Bodybuilding et Fitness (FBBF) vit enfin le jour le 6 juin 2020, avec bien sûr Bienvenu à sa présidence. Une consécration nationale pour ce bâtisseur infatigable ! Depuis, Bibi a résolument placé la barre très haut. Pas moins de trois éditions du championnat national ont déjà été organisées sous sa férule, redorant le blason de cette discipline jusque-là bâillonnée. Car si le physique aura toujours été sa marque de fabrique, la véritable force de Bienvenu Vodounou réside aussi dans son mental d'acier. Et tandis que l'astre du bodybuilding béninois monte inexorablement à l'horizon, portée par le souffle ardent de son pionnier, une chose est sûre : jamais plus ce sport ne sera considéré comme « non prometteur » au pays des Agodjiés. La nouvelle génération aura son héros musclé, son modèle à suivre. Car si les défis ont été nombreux pour asseoir son œuvre au Bénin, la destinée de Bienvenu Vodounou est aujourd'hui d'ouvrir la voie à une nouvelle génération d'athlètes. Comme un phare bravant les flots pour guider les navires au port, il entend faire du bodybuilding béninois un acteur incontournable sur la scène mondiale.  Un rêve éveillé pour ce patriote dont la devise semble être : pourquoi se contenter de nourrir son corps quand on peut aussi grandir son pays ?

Si les accomplissements de Bibi forcent le respect, ce qu'il ambitionne désormais dépasse de loin le cadre purement sportif. À travers le prisme du bodybuilding et du fitness, c'est une véritable philosophie de vie que ce bâtisseur entend léguer à la jeunesse béninoise. « Le corps n'est que le reflet de l'esprit », aime-t-il répéter, dans un écho lointain à la maxime prêchée par le légendaire Joe Weider. Pour Vodounou, derrière chaque muscle se cache une leçon de ténacité, de dépassement de soi, que tout le monde peut s'approprier. Ce message universel n'est que le prolongement naturel du parcours initiatique de ce fils du peuple, parti de rien pour se hisser au firmament d'un sport réputé élitiste. Une graine d'espoir, semée dans le terreau fertile de la jeunesse béninoise.

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