Les Frères de Sang ou frères d’armes et d’âme : un groupe singulier qui chaloupe au rythme de la polyphonie de l’immigration
Il y a exactement vingt-huit ans que débarquait dans l’espace discographique béninois 5 jeunes pétris de talents. Ils n’ont que pour outil de séduction: l’acapella, leurs voix. Un style de musique qui ne laissait indifférent personne. Ils mettaient leur voix aux services de causes nobles comme la santé, les droits de l’enfant, l’engagement citoyen et bien évidement la gaieté. Du Ashigbé du Mono, au Tchingounmè du Centre, passant par le Tipenti du Nord auréolé de la touche Kwaito de l’Afrique du Sud, aucun rythme ne saurait leur résister et manquer à leur appel. ils font danser, voyager sur des airs de joie. Après quinze ans de présence scénique, le groupe rentrait dans une léthargie profonde alimentée par un vent violent de l’immigration. Oscar BÉHANZIN, alias Azzaro, leader et membre fondateur du groupe les Frères de Sang s’ouvre et lève un coin de voile sur cette fratrie artistique vieille de plus de deux décennies.
Benin Diaspora : Comment êtes-vous venus à la musique ?
Oscar Béhanzin, Les Frères de Sang : J’ai commencé la musique à bas âge à partir de 3 ans avec mon frère Rodrigue Béhanzin. Ainsi que Boniface et Victorin Gnonlonfoun puisque nous habitons le même quartier et chaque weekend, nous allions assister ceux qui donnaient les bals poussières. Tout est partie de l’enfance. On a commencé la musique ensemble et on a grandi ensemble avec la musique.
Les frères de Sang est un groupe basé sur la fratrie. Et déjà à six ans, ont organisaient des spectacles dans le quartier Sikècodji à des prix modiques : enfants 10 fcs, adultes 15 francs et réservation 25 francs. Et puis nous avons rencontré Franck KITI, à la chorale St Charbel à l’église St Jean Baptiste de Cotonou; ensuite Daniel Abiona Nous sommes un groupe de 6 membres, mais qui évolue avec 5 à cause du décès de Daniel Abiona.
Pourquoi avoir opté l' acapella comme style de musique ?
5 membres sur 6 ont fait la chorale, St Charbel de l’église St Jean Baptiste de Cotonou. Donc, nous avons été encadrés par les pères capucins qui nous ont appris les bases de la polyphonie. Nous avons appris la texture harmonique, les accords, bref moulés ont étaient dans la musique.
Aussi, nous avons constaté que vous explorez les rythmes traditionnels béninois et sud-africains. Pourquoi ce choix ?
Pour des raisons d'authenticité. Nous avons voulu nous différencier des autres groupes de musique en vogue à l’époque, et étant des fans de la musique sud africaine nous avons porté notre choix sur sur l'acapella qui nous a valu le surnom les ‘’sud-africains’’. Notons aussi que notre Tipenti du septentrion a des similitudes avec l'une des percussions zoulou. Nous avons aussi puisé dans le Kwaito, qui est un genre de musique sud africaine. Aussi, l'acapella bien synchronisé fait voyager. Nous nous sommes également inspirés de nos rythmes traditionnels pour proposer de la musique moderne d’inspiration traditionnelle. Du nord au sud de l’est à l'ouest, nous passons nos rythmes au peigne fin; pour le bonheur des appareils auditifs de nos mélomanes.
Quand on parle d’acapella au Bénin, je pense que le Groupe les Frères de Sang détient le flambeau. Car, l'acapella est très exigeant comme style de musique, et demande beaucoup d’effort : la dévotion à l’art, la maîtrise des notes de musiques, les intonations, les modulations…. Donc, ne vient pas à musique qui veut, mais qui peut. On peut conclure que la formation est très importante dans le parcours de l’artiste. Et nous devrons tout à notre séjour au sein de la chorale St Charbel.
Quel est votre parcours musical et votre discographie?
Nous avons 6 albums
Le premier 1997 intitulé "PELA"
Le second en 2000: "EXPLOSION"
Le Troisième en 2003 : "AVALÉ" (La révérence)
Le Quatrième un album vidéo en 2006
Les 5 et 6 un doublé en 2007
Actuellement j'ai un album solo sorti en 2022 intitulé "HÊDAGBÉ"
En parlant de parcours
En 1997 nous étions sélectionnés pour faire partie des artistes pouvant représentés le Bénin en Côte d'Ivoire pour le festival MASA
En 2000 nous étions en Centrafrique pour le festival des musiques urbaines
En 2001 sélectionnés officiellement par le comité du MASA pour représenter le Bénin
En 2002 nous avons au festival concours VISA FRANCOPHONE en France où nous avons remporté le prix des ambassadeurs de la musique africaine
2003, 2004, 2005, 2006 nous étions en tournés en France, Belgique et Italie
2008 en Allemagne avec l'ONG PRO DOGBO pour une mobilisation des fonds pour assistance aux orphelins et enfants abandonnés
2012 Allemagne, Belgique et la France. Je m’en voudrais de ne pas citer la sous région Togo, Burkina, Mali..…
Il y a eu des collaborations avec des artistes locaux comme K-sim, Ardiess, Duce etc à l’international avec des artistes comme, Wedy du Togo…
Et c'est après tous ces parcours que le groupe a pris une pause depuis 2012. Un parcours très élogieux, qui reçoit une défférence de la part du public national et international.
Devrons-nous conclure que le groupe existe toujours ? Si oui quelles sont les raisons de votre absence sur la scène et le showbiz béninois ?
Le groupe les Frères de Sang existe toujours. Certes, nous avons perdu un frère d’armes et d'âme, Daniel ABIONA. Mais les disponibilités des uns et des autres font que nous sommes absents sur la scène depuis 2012. Notre frère Rodrigue BEHANZIN, fait face à des soucis sanitaires, Boniface et Victorin GNONLONFOUN vivent désormais au Canada, et moi-même Oscar en Belgique. Donc, l'absence se justifie par l'immigration de la majorité des membres. Les motivations derrière ces départs varient d’un membre à un autre. Si pour certains l’immigration fut choisie, chez d’autres ce fut par un concours de circonstance.
Nous pouvons considérer 2012 comme l'année qui a eu le mérite de voir le début de notre pause. Et ceci exactement après notre retour de l'Allemagne. Et principalement pour les raisons de santé de notre frère.
Que faites-vous à part la musique aujourd’hui ?
Hormis la musique, j’ai une entreprise au Bénin spécialisée en conseil artistique en négoce et événementiels.
Boniface GNONLONFOUN est impliqué et s’occupe de sa structure, spécialisée dans les appareils dédiés aux personnes en situation de handicape visuel.
Victorin GNONLONFOUN, Charles KITI sont investis dans le milieu hospitalier
De 1997 à 2012, Pouvons-nous dire que la musique nourrissait son homme?
Il paraît que la plupart du temps les artistes font le show tout en occultant le volet business. Êtes-vous de cet avis?
Oui, en effet en son temps la musique ne nourrissait pas son homme. Nous étions jeunes sans engagement matrimonial et sans charge. Notons qu’à l’époque, on avait nos occupations professionnelles et la musique était accessoire. La plupart du temps, on se contente des honneurs car les cachets n’étaient pas vraiment consistants. Pour preuve, notre plus petit cachet était cinquante mille et le plus gros un million. Il y a des cas d’exceptions où on touchait jusqu’à deux millions cinq cents. Et c'était pour des partenariats avec des institutions qui sollicitaient notre talent artistique; toujours intervalle 97-2012. Signalons que l’honneur dû, au rang d’artistes talentueux que nous étions, nous a ouvert beaucoup de portes. Et nous continuons d'en jouir jusqu’à aujourd'hui.
Qu'est-ce qui vous rend plus fiers dans votre carrière ?
Jusqu'à présent, nous restons indétrônables pour notre style d’acapela. Car, aller en acapella requiert du travail et il faut être doué. Et nous en sommes comblés. Je peux également citer notre premier voyage en France nous a particulièrement rendu fiers. Il nous a ouvert la porte de plusieurs scènes et jusqu’à ce jour nous en gardons de bons souvenirs.
On a connu des groupes mythiques, qui comme le vôtre, ont fait rêver les mélomanes. Mais hélas, n'ont pas tenu dans le temps. Quel est votre secret? Dans, vos propos on peut deviner qu'il y a un lien très fort entre vous.
Je dirai sans faux fuyant, la fraternité. Nous avons vécu notre enfance ensemble : Rodrigue, Oscar, Victorin, Boniface. De Zongo à Sikècodji, nous étions ensemble. Nous avons fait la connaissance de Franck KITI qui nous a rejoint et a vécu avec nous également. Et nous sommes frères. D’où est venu le nom Les Frères de Sang. Et ce lien fort transcende tout ! Et ça dure depuis 28 ans musicalement parlant. Si non que la fraternité dure depuis notre existence.
Les frustrations ne manquent jamais à la table des rassemblements d’humains. Mais, nous arrivons à maintenir le cap tout en gardant en tête l’objectif commun. Et surtout constamment nous rappeler de ce qui nous rassemble : la fraternité !
Aucune œuvre humaine n'étant parfaite, que pouvez-vous considérer comme erreur lors de votre parcours ?
En ce qui concerne le volet technique, on aurait aimé avoir une équipe managériale à nos côtés. Mais hélas, nos expériences n’étaient pas forcément prometteuses. Le management reposait sur Rodrigue et moi (Oscar) Et qui du reste, seul le regard extérieur peut nous aider à mettre le doigt sur la plaie.
Pourquoi une carrière solo?
J’ai entrepris une carrière solo après moult sollicitations du publique et bien évidement sur conseil de mon frère Boniface. Il a souhaité que les Frères de Sang reprennent le micro. Et m’a motivé à sortir un opus d’où l’album solo sorti en 2022 intitulé "HÊDAGBÉ". En attendant notre retour sur scène qui sera bientôt une réalité. Donc, la population peut espérer nous revoir dans l’arène musicale sous peu.
Est-ce que vous avez les perspectives de vous revenir vous installer définitivement au Bénin (idem pour les autres) ? Ou bien le cordon a été définitivement coupé?
Revenir s’installer définitivement au Bénin, n’est pas encore envisageable pour le moment. Toutefois, nous faisons la navette entre le pays d'accueil et la terre mère : la terre de Gbèhanzin. Nous ne pouvons nullement couper le cordon ombilical.
Quelle est votre lecture de la musique béninoise actuelle sans oublier le showbiz?
La musique se professionnalise davantage, avec une belle organisation autour de la carrière, les cachets revus à la hausse comparativement à notre époque…. Je me réjouie des jeunes talents qui évoluent faisant la fierté du Bénin. Seulement que beaucoup empruntent la voie de facilité en optant pour des musiques éphémères dont la durée de vie n’excède pas six mois. Aujourd’hui, sans fausse modestie, je dirais que nos titres sont intemporels. Qui peut résister face au titre Glom Kpô Gbali, Dadjè ou encore Miwa sé, Péla… J’invite la jeune génération à redoubler d’éffort et à se former. Le seul bémol dans tout le système, est que notre musique ne s’exporte pas encore comme cela se doit.
Un mot à l’endroit de vos mélomanes
Merci de l'opportunité qu' offre cette tribune aux Frères de Sang. A tous nos mélomanes, je dirai que le groupe les Frères de Sang tient droit dans ses bottes, et existe toujours. Certes, j'ai une carrière solo, mais ma foi, le groupe se porte bien. Et nous en avons encore dans notre gibecière pour vous faire égayer. Rassurez-vous, vous n’allez pas attendre Saint-Glinglin avant de nous retrouver à nouveau sur scène.
Je suis de cœur avec vous bisous