UN PENIBLE RETOUR AU BERCAIL
Raconter mon histoire est un exercice extrêmement pénible puisque cela me plonge dans des souvenirs mélancoliques. Des souvenirs que je me bats à enfouir dans l’océan des échecs de ma vie. C’est difficile de raconter mon parcours au Cameroun surtout que depuis mon retour impromptu au Bénin, j’éprouve des difficultés à réussir ma réintégration.
POURQUOI AI-JE MIGRE AU CAMEROUN ?
Au terme de mes études secondaires, je rêvais de faire des études universitaires. Néanmoins, en raison de la précarité dans laquelle vivaient mes parents, j’ai dû renoncer à ce rêve et ai commencé à chercher un emploi qui me permettrait d’aider mes géniteurs et de subvenir à quelques-uns de mes besoins. J’ai mené de petites activités mais à cause des rémunérations dérisoires que je gagnais, j’ai pris la décision de suivre une formation diplômante en mécanique-auto. Laquelle formation m’a permis d’acquérir les compétences indispensables à l’exercice de ce métier. Lorsque j’achevais cette formation, j’étais convaincu que cela m’offrirait des perspectives professionnelles prometteuses voire garanties. C’était sans compter avec la morosité économique du moment. Toutefois, je travaillais et tirais un bénéfice peu satisfaisant du travail fait. Alors, sur insistance d’un ami de longue date qui m’a convaincu de ce que le Cameroun était une terre fertile d’opportunités professionnelles, j’ai pris la décision de m’y rendre dans l’espoir d’y gagner un mieux-être. Nous étions en 2010 Mon ami m’avait promis un logement et un job afin de faciliter mon intégration. J’ambitionnais de m’établir définitivement au Cameroun et d’y réaliser une meilleure vie. Mon projet était clair et je m’étais donné les moyens de mes ambitions. Cependant, ce projet a volé en éclats pour de multiples raisons. Un concours de circonstances désagréables m’a ramené contre mon gré au point de départ.
COMMENT AI-JE VECU AU CAMEROUN ?
Tout au long des tout premiers mois passés dans mon nouveau cadre de vie, j’ai pris conscience de la dure réalité qui m’attendait. Mon ami grâce à qui j’avais voyagé n’avait tenu aucune de ses promesses. Je m’étais retrouvé seul dans une localité septentrionale du Cameroun assiégée par la misère. Sans grandes ressources ni contacts, j’ai dû faire preuve de courage et d’ingéniosité pour trouver un emploi et un endroit où vivre. La formation en mécanique-auto que j’ai suivie au Bénin m'a été d’une grande utilité. Lentement mais sûrement, j’ai pu trouver un emploi décent et la manne financière importante que cela me rapportait a été une source de motivation. J’envoyais, par moments, de l’argent aux membres de ma famille et en économisais aussi histoire de préparer mon retour au Bénin même si je ne l’envisageais pas encore. Quelques années après mon arrivée, j’ai fait la connaissance d’une camerounaise dont je me suis épris. Cette relation amoureuse a été le point de départ d’une nouvelle aventure en terre camerounaise. Deux enfants (une fille et un garçon) sont nés de notre liaison. Tout se passait bien et ma situation financière s’améliorait davantage.
Mais nous vivions dans une région où les tensions entre les forces militaires gouvernementales du Cameroun et les séparatistes anglophones étaient croissantes. Nous pensions y survivre. Avec le temps, les choses devenaient difficiles et l’option du retour au bercail ne cessait de me hanter. J’avais une famille à protéger. Que faire ? A quel Saint me vouer ? Devrais-je tout sacrifier pour revenir au Bénin ? Comment revenir dans mon pays natal sans préparation ?
COMMENT SUIS-JE REVENU AU BENIN ET DANS QUELLES CONDITIONS Y VIS-JE ?
Mon retour au Bénin, ce fut la croix et la bannière. Mes enfants et moi avons subi d’énormes souffrances sur l’épineux chemin de notre retour en 2023. Ce n’était pas facile. Nous avons abandonné nos bagages sous la pression de ceux qui nous ont aidés à partir. Je me souviens de ce voyage au cours duquel nous avons été victimes de vol et d’escroquerie. J’ai été dépouillé d’une part significative de mes ressources financières. Je n’en revenais pas…Malgré tout, je suis revenu au Bénin avec mes enfants ; ma femme ayant décidé de rester au Cameroun.
Aujourd’hui, je vis dans des conditions extrêmement difficiles. Sans emploi, je ne bénéficie que des bonnes grâces de ma famille pour survivre et pour pourvoir aux besoins de mes enfants sur le plan scolaire. La tristesse et la solitude seraient devenues ma chasse gardée sans le soutien de mes frères et sœurs. Je me bats pour sortir de cette mauvaise situation. Même dans mes pires cauchemars, je n’avais jamais envisagé mon retour au Bénin dans ces conditions. J’en souffre. Un retour manqué au bercail est un supplice que je ne souhaite à aucun étranger de vivre.
Ps : Je suis Quentin AGOSSAVI, depuis Porto-novo !
Propos recueillis et transcrits par Napoléon DOSSOU-YOVO
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